Kilder
Kildeintroduktion:
I en artikel i det føderalistiske månedsskrift 'L'Europe en formation' i juni 1972, forud for EF-folkeafstemningen i Danmark den 2. oktober 1972, skriver politologen Erling Bjøl om den danske EF-debat og danskernes holdning til EF. Erling Bjøl var i en årrække udenrigskorrespondent ved Information og Politiken. I 1963 blev han professor på statskundskab ved Aarhus Universitet med ansvar for opbygningen af faget international politik (International Relations).
Danmark havde to gange tidligere ført optagelsesforhandlinger med EF. Danmark ønskede dog kun at blive en del af EF, hvis Storbritannien også blev en del af Fællesmarkedet. Frankrig blokerede begge gange for britisk medlemskab, hvorfor de danske forhandlinger løb ud i sandet. I 1970 påbegyndtes en ny runde forhandlinger. Denne gang lykkedes det at nå til enighed med både Danmark og Storbritannien (samt Irland og Norge). I Danmark blev det besluttet, at EF-medlemskabet skulle godkendes ved en folkeafstemning den 2. oktober 1972. I artiklen i 'L'Europe en formation' hedder det, at danskerne var blevet mere tøvende med hensyn til ønsket om dansk EF-medlemskab. Hertil giver Erling Bjøl 3 årsager:
- Landbrugssektoren var blandt de mest positive over for EF-samarbejdet, da den havde store økonomiske interesser i adgangen til Fællesmarkedet. Landbrugets betydning var dog blevet mindre siden den første EF-ansøgning i 1961.
- Danmark havde oplevet en stigende levestandard, og derfor var tidligere dommedagsprofetier om økonomisk ruin uden medlemsskab af EF blevet gjort til skamme.
- Det tætte samarbejde med Sverige, som ikke ønskede at blive en del af EF.
EF-modstanderne havde således en række økonomiske argumenter klar. Disse blev ligeledes suppleret af en række emotionelle. EF-tilhængerne holdte derimod fast i EF's betydning for dansk landbrug og dansk valutaindtjening - og dermed for dansk økonomi. Hvis Danmark ikke fulgte Storbritannien ind i EF ville grundlaget for dansk landbrugseksport og udenlandske investeringer blive fjernet. Tilhængerne mente ligeledes ikke, at EF-medlemskab ville hindre dansk industrieksport til Sverige. Man ville endda kunne opleve, at kapital og industriproduktion ville flytte til Danmark fra Sverige, som havde valgt at stå uden for EF-samarbejdet.
Erling Bjøl beskriver i artiklen den danske debat som værende den mest livlige siden NATO-medlemskabet 1949. Han vurderede samtidig på baggrund af meningsmålinger, at folkeafstemningen ville resultere i et dansk ja til EF-medlemskab. Dog ville folkeafstemningen kunne blive påvirket af resultatet af den norske afstemning, som fandt sted blot en uge inden den danske. Nedenfor ses artiklen først i den originale franske version, og dernæst i en engelsk oversættelse.
Artiklen i engelsk oversættelse
Le Danemark devant le Marché commun
Au seuil du Marché commun, le Danemark se comporte un peu comme son célèbre fils, le prince Hamlet, hésitant et doutant. « The undiscovered country puzzles the will. » Le doute est plus grand qu’il y a dix ans lorsque le Danemark, en même temps que l’Angleterre, posa sa candidature pour son entrée dans la Communauté européenne.
Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, le Danemark a subi depuis une métamorphose. Pendant les années 60 a eu lieu une rapide industrialisation qui a signifié une diminution du rôle joué par l’agriculture. Alors qu’en 1960 cette dernière couvrait 45 % de l’exportation, elle ne représentait plus que 20 % en 1970. Or l’agriculture était et est toujours la branche qui s’est sentie le plus attirée par le Marché commun.
Deuxièmement, le processus d’industrialisation des années 60 et l’augmentation du niveau de vie qu’il a entraînés ont apparemment démenti les prophètes qui, il y a dix ans, prédisaient que ce serait une catastrophe pour le Danemark de rester hors de la C.E.E. Le P.N.B. par habitant est plus élevé que dans n’importe quel pays de la C.E.E. : selon l’O.C.D.E. 3.160 dollars par habitant contre 3.040 dollars en Allemagne et 2.920 en France (1970).
Troisièmement, l’accroissement du bien-être des années 60 a été conditionné par une étroite coopération avec la Suède qui a été le plus important marché pour l’exportation industrielle danoise et qui a fourni au Danemark une partie non négligeable des capitaux qui ont permis l’industrialisation. Mais la Suède doit, à cause de sa neutralité, rester hors du Marché commun. Cela n’aurait-il pas des conséquences fâcheuses pour la vie économique danoise ?
Les adversaires de l’adhésion danoise à la C.E.E. ont de la sorte une série d’arguments de poids.
Economie et... sentiments
Les arguments contraires sont à peu près ceux-ci :
Il est vrai que l’industrie est venue à jouer un plus grand rôle dans la production et l’exportation du Danemark. Mais l’agriculture est toujours importante pour l’apport de devises, parce que sa production est à un moindre degré que celle de l’industrie la transformation de produits importés. Une adhésion à la C.E.E. signifierait, d’après les calculs des experts économiques, une plus-value en devises annuelle d’environ 1,5 milliard de couronnes (un peu plus d’un milliard de francs), tandis que le Danemark, en restant dehors, doit prévoir une diminution des exportations qui peut signifier un doublement de l’actuel déficit de la balance des paiements de 3,5 milliards de couronnes. Une crise économique sérieuse sera donc la conséquence d’un non, d’autant plus qu’une grande partie de la dette du Danemark à l’étranger est à court terme.
Les possibilités de débouchés de l’agriculture seront particulièrement diminuées si le Danemark reste hors du Marché commun et que l’Angleterre y entre, du fait que celle-ci a été jusqu’à présent le principal preneur des produits laitiers danois. Mis à part les difficultés de débouchés pour l’agriculture, on doit aussi compter sur des difficultés de plus en plus grandes pour l’obtention d’investissements étrangers par lesquels l’industrie danoise a été pour une large part financée.
En ce qui concerne la Suède qui fut à un certain degré la dynamo du développement danois des années 60, on peut tout d’abord présumer que l’accord suédois avec la C.E.E. assurera une continuation de l’exportation industrielle danoise. En même temps, il y a déjà des signes certains que l’adhésion danoise à la C.E.E. va entraîner vers le pays un apport de capitaux des firmes suédoises intéressées d’établir et de développer des filiales à l’intérieur de la Communauté. Ces dernières années, il y a eu une fuite accrue des capitaux de Suède. Elle explique en partie les difficultés qui, depuis 1968, ont frappé « le modèle suédois ».
Il y a d’autres causes qui se rattachent au développement intérieur du pays. Ces difficultés réunies empêcheront la Suède d’être dans les années 70, si le Danemark décide de ne pas se joindre à la C.E.E., une dynamo pour l’économie danoise comme elle le fut dans les années 60.
A cette discussion purement économique du débat danois sur la C.E.E. s’ajoute une série d’arguments émotionnels qui ressemblent beaucoup aux attitudes qu’on rencontre dans les deux autres pays candidats protestants, l’Angleterre et la Norvège. On déclare que la Communauté, avec sa bureaucratie et ses traditions plus autoritaires de pays continentaux, portera atteinte à la démocratie danoise. On affirme même que le niveau social sera réduit par une adhésion à la C.E.E., que le prix de la terre augmentera, que les régions de villégiatures seront achetées et surpeuplées par les Allemands, que le pays sera envahi par la main-d’œuvre étrangère et les retraités de l’Europe méridionale attirés par les prestations sociales plus élevées du Danemark.
[...]
Ainsi va et vient la discussion. C'est sans aucun doute que le débat de politique étrangère le plus animé qu’on a eu au Danemark depuis l’adhésion à l’O.T.A.N. en 1949. C’est qu’il aura aussi des incidences beaucoup plus pratiques. La décision de se joindre à l’O.T.A.N. fut prise par le parlement en quelques semaines, et le grand débat public vint seulement après la décision. Par contre, l’adhésion à la C.E.E. aura lieu par voie de référendum décisif fixé au 2 octobre.
Ce n’est pas quelque chose tout à fait nouveau au Danemark qu’une question de politique étrangère soit soumise à un référendum. Cela fut déjà le cas pour la vente des Antilles danoises aux Etats-Unis en 1916. Mais c’est la première fois qu’une décision de politique étrangère d’une si grande portée est soumise directement aux électeurs. Cela se passe en accord avec le paragraphe 20 de la constitution de 1953, suivant lequel l’abandon de la souveraineté aux organisations internationales peut seulement être ratifié par une majorité de cinq sixièmes au Parlement ou par voie de référendum. Pourtant, lors d’un tel vote, une proposition de loi adoptée par le Parlement à la majorité simple ne peut être rejetée que par une majorité comprenant au moins 30 % des inscrits.
Les sondages d’opinion faits à ce jour indiquent qu’il y a au moins 30 % des inscrits qui sont décidés à voter non à la C.E.E. Mais il s’est aussi montré jusqu’à présent qu’un nombre encore plus grand veut bien voter oui. Le doute hamletien perce dans les très nombreux qui disent « ne sais pas » et dans le fait que le nombre de « ne sais pas » ne baisse pas régulièrement.
Sur la base de ces enquêtes d’opinion, on doit s’attendre à une victoire des oui le 2 octobre. D’autant plus que la majorité écrasante du Parlement, bien que pas tout à fait les cinq sixièmes - 142 sur 179 -, est en faveur de l’adhésion danoise à la C.E.E. Les adversaires se recrutent dans le parti socialiste gauchiste (Socialistisk Folkeparti) et chez quelques sociaux-démocrates et radicaux.
Mais, sans aucun doute, le résultat du référendum norvégien qui aura lieu une semaine avant, aura une certaine influence sur la tournure du référendum danois. La résistance à la C.E.E. est beaucoup plus forte en Norvège qu’au Danemark, surtout parce que l’agriculture norvégienne est contre l’adhésion alors que la danoise est pour. Les sondages norvégiens ont jusqu’à présent constamment montré une majorité contre la ratification. Bien sûr, le référendum norvégien, contrairement au danois, est seulement consultatif. Mais en réalité il sera décisif, car plusieurs membres du Parlement prendront position selon le résultat du référendum. C’est pourquoi il sera difficile d’atteindre la majorité des trois quarts requise pour la ratification, si les « non » l’emportent au référendum.
[...]
par Erling Bjol
Denmark’s imminent entry into the Common Market
On the threshold of entering the Common Market, Denmark, in its hesitation and doubt, resembles its famous son Prince Hamlet, with his dread of ‘the undiscovered country’ that ‘puzzles the will’. The hesitation has increased in the ten years since Denmark, concurrently with the United Kingdom, submitted its application for accession to the European Community.
There are a number of reasons. Firstly, Denmark has changed fundamentally. During the 1960s, rapid industrialisation caused agriculture’s role to shrink. Whilst farming accounted for 45 % of exports in 1960, by 1970 it represented only 20 %. Yet it was, and it continues to be, agriculture rather than any other branch of production that perceived the greatest benefits to be acquired with Common Market membership.
Secondly, the industrialisation of the 1960s and the consequent improvement in living standards have seemingly given the lie to the prophets of doom who predicted a decade ago that failure to join the EEC would be disastrous for Denmark. At 3 160 dollars, as against 3 040 in Germany and 2 920 in France (OECD figures for 1970), per capita GNP is higher in Denmark than in any EEC country.
Thirdly, an important factor in the increased prosperity of the 1960s was close cooperation with Sweden, which was the largest export market for Danish industry and provided Denmark with a significant part of the capital that has allowed it to industrialise. Yet Sweden, because of its neutrality, has to remain outside the Common Market. Could Denmark’s entry not bring damaging consequences for the national economy as a result?
The opponents of Danish membership of the EEC are armed with a series of weighty arguments.
Economics and emotions
The counter-arguments are roughly as follows:
Whilst it is true that industry’s share of Denmark’s production and exports has increased, agriculture still remains an important source of foreign currency because agricultural production involves a lower level of processing of imported products than is the case in industry. Calculations by economic experts indicate that EEC membership will bring additional foreign currency earnings of some 1.5 thousand million Danish crowns annually (just over one thousand million francs). If Denmark remains outside the Common Market, it must expect a fall in exports that could double the current budget deficit of 3.5 thousand million crowns. Saying ‘no’ will thus lead to a serious economic crisis, compounded by the short-term nature of much of Denmark’s foreign debt.
The potential agricultural markets will be eroded still further if Denmark decides against joining the Common Market and the United Kingdom becomes a member, since the latter remains the largest purchaser of Danish dairy produce. In addition to the problem of agricultural markets, increasing difficulties could also be expected in securing the foreign investment on which Danish industry has depended heavily for financing.
As regards Sweden, which, to a certain extent, was the motor of Danish development in the 1960s, it may be assumed, first of all, that the Swedish agreement with the EEC will allow Danish industrial exports to continue. Moreover, there are already some signs that Danish membership of the EEC will allow Denmark to benefit from an influx of capital from Swedish companies wishing to establish and develop subsidiaries within the Community. Recent years have seen an intensification of the capital flow out of Sweden. This partly explains the problems that have beset the ‘Swedish model’ since 1968.
There are other factors related to Swedish internal development issues. Taken together, they will make it impossible for Sweden to continue its role as the motor of the Danish economy in the 1970s, as it was in the 1960s, if Denmark decides against joining the EEC.
This purely economic Danish debate on the EEC is reinforced by a number of emotional arguments strongly resembling attitudes in the other Protestant countries seeking membership, namely the United Kingdom and Norway. It is claimed that the Community, with its bureaucracy and its more authoritarian traditions resulting from the influence of the continental Europe countries, will undermine Danish democracy. It is even stated that the welfare system will suffer as a result of membership, that land prices will rise, that rural areas will be bought up and overpopulated by Germans and that the country will be invaded by foreign labour and southern European pensioners attracted by the higher social benefits available in Denmark.
[…]
And so the discussion goes on. It is certainly the most lively foreign policy debate that Denmark has experienced since it joined NATO in 1949. It will also have more significant practical consequences. The decision to join NATO was adopted by the Danish Parliament in just a few weeks, with the broader public debate taking place only after the decision had been taken. The question of whether to join the EEC, on the other hand, is to be put to a public referendum scheduled for 2 October, whose outcome will be binding.
Denmark already has a certain amount of experience in holding referendums on foreign policy issues. A referendum was held on the sale of the Danish West Indies to the United States of America in 1916. But this was the first time that a foreign policy decision of such broad scope has been put directly to the electorate. Referendums are held pursuant to Section 20 of the 1953 Constitution, according to which the renunciation of sovereignty to international organisations can be ratified only by a five-sixths majority in Parliament, or a referendum. However, a bill adopted by Parliament by means of a simple majority can be rejected by referendum only if there is a majority vote by at least 30 % of the electorate.
Opinion polls to date indicate that at least 30 % of the electorate have decided to vote against joining the EEC. However, it has also emerged that, to date, a still greater percentage is prepared to vote in favour. The spectre of Hamlet has re-emerged in the doubts shown by the very large proportion of voters answering ‘don’t know’, whose numbers have failed to decline systematically.
On the basis of the opinion polls, the electorate can be expected to vote ‘yes’ on 2 October, especially since the overwhelming majority in Parliament, although not quite five-sixths (142 out of 179) favour joining the EEC. The opponents are to be found in the left-wing Socialist Party (Socialistisk Folkeparti) and some Social Democrat and radical groups.
Clearly, though, the result of the Norwegian referendum, due to be held one week earlier, will have some impact on the Danish outcome. Opposition to the EEC is much stronger in Norway than in Denmark, particularly since Norway’s farmers, unlike their Danish counterparts, are against joining. To date, Norwegian polls have indicated that a majority opposes ratification. It is true that the Norwegian referendum is merely consultative, not binding as is Denmark’s. However, in reality it will be decisive, since a number of Members of Parliament will base their position on its result. Hence, it will be difficult to secure the three-quarters majority required for ratification if the ‘no’ lobby wins the day at the referendum.
[...]
Erling Bjol